La porte se referma lentement, crissant contre le carrelage blanc avant de venir percuter l'encadrement dans un fracas certain, résonnant dans le couloir. Quelqu'un était indéniablement entré dans la petite pièce, sans prévenir, sans un mot ; sans crier gare. La personne en question, aux courts cheveux blonds cendrés et au svelte physique, s’assit ; lentement, sur la chaise métallique au cuir brun. En face d'elle, une large table brune les séparant, un homme. Des longs cheveux noirs en pagaille, ; des petits yeux bleus perçants ; une grande taille frôlant, à vue d’œil, les deux mètres. Bien que dans les faits, il n'était pas si grand que ça. Entre le mètre quatre-vingt-dix et le quatre-vingt-quinze. À peine. Posant alors ses papiers administratifs sur le meuble et relevant la paire de lunettes qui commençait à glisser le long de son fin nez, elle plaça ses coudes sur la même table, mains jointes, les manches de sa chemise parfaitement roulées sur ses poignets. Prête à exécuter son interrogatoire infernal d'un sourire carnassier, invisible des mortels. La démone.


— Monsieur Lovecraft.
— Andrew. J'préfère par mon prénom.
— . . . D'accord. Andrew. La jeune femme regarda ses feuilles quelques instants. Comment vous décririez-vous.
— Hein ? C'quoi cette question ?
— C'est la procédure.
— J'répondrais pas.
— Ce n'était pas une question.


Un léger blanc s'installa entre les deux. Un ange passa, dirait-on. Andrew engagea une main dans sa masse capillaire, surprenamment douce, soupirant pour lui-même.


— Un gros con qui s'est fait cerner, si c'est ce que vous voulez entendre ! Il cracha presque en regardant ailleurs ; comme un air boudeur sur le faciès.
— Nous le savions déjà.


Deuxième blanc. Le jeune homme commença déjà à en avoir assez, de cette séance. S'il le pouvait, il sortirait en trombe de cet endroit, renversant sa chaise au passage et en claquant l'huis derrière lui . . . S'il n'avait pas une épée de Damoclès de pendue au-dessus de sa tête. Évidemment. Putain.


— . . . J'dirais, cool à la base. Sans prise de tête, bon vivant ; sympathique même. Juste . . . Nouveau soupir. J'peux être assez froid, voire violent, quand on m'cherche des noises.
— Je ne vous cherche pas de problèmes, pourtant. Souriez, pour voir.


Il grogna dans sa barbe inexistante. Cette femme l'énervait. Au plus haut point. Le brun tenta de faire un sourire, pour la forme au moins ; un sourire tordu, clairement forcé. Cela ressemblait plus à une grimace de mauvais goût qu'autre chose. Mais il aurait essayé, c’était déjà ça ; au moins fallait-il lui accorder ce fait. Il cessa bien vite son manège, ayant sentit ses muscles du visage partir en vrille. Andrew avait horreur de s'obliger à faire quelque chose qu'il ne voulait pas ; et là, il n'avait pas envie de sourire. Juste de s'enfuir.


— Vous m'faites chier ! J'ai pas envie de le passer, cet interrogatoire à la con ! À répondre à des questions sans importance, comme ce que vous êtes en train de faire !


Impatient qu'il était. Le musicien – enfin, anciennement ; avant qu'il ne se retrouve dans cette merde sans nom – trouvait tout ça ridicule, sans aucun putain de sens. Se décrire ? Pourquoi ? Pourquoi dans une situation pareille, il fallait que cela soit cette question en priorité ? Vers où allait le monde ? Peut-être que s'il avait été de meilleure humeur, et surtout, pas dans cette salle d'interrogatoire pour les gens de son espèce, il aurait répondu avec plus d'entrain : Andrew, concrètement, c'était pas un type compliqué. La plupart du temps avec un sourire amical collé sur la face, une blague plus ou moins drôle sur le bout de la langue, un peu d'argent dans la poche pour payer une tournée générale. Ouais, comme il l'avait dit, c'était plutôt un bon vivant, voulant profiter de la vie au maximum sans penser aux années qui passent, aux cheveux qui s'éclaircissent, à la peau qui se ride. Le seul hic, était que le brun pouvait vite s'emporter ; monter dans les tours et s'y cacher. Joyeux, certes, mais quand on le cherchait trop, qu'on voulait clairement lui foutre des ennuis sur le dos, ou tout autre chose pas vraiment sympathique, il commençait à sortir les poings et les insultes. Et il ne passait pas par quatre chemins ; oh, non. Il allait droit au but. N'aimant pas tourner inutilement autour du pot.

Alors, voilà ; le guitariste avait une facette égayante, une facette violente. Oh, tiens donc . . . Nous n'avons pas encore aborder la facette rougissante. Malgré son air de gros dur, de par sa carrure jugée imposante, il avait une âme généreuse, mais fleur bleue également, dirait-on. Cela pouvait sembler ridicule, absurde au premier abord, mais s'il y avait bien un sujet qui mettait Andrew dans tout ses états, c'était bien l'amour, ainsi que ses annexes – la séduction et le sexe, si vous voulez tout savoir –. Le regard qui dévie, les joues qui s’empourprent, les mains qui ne savent où se reposer, la langue qui ne sait quoi dire. Néanmoins, il y a toujours l’exception qui confirme la règle, n'est-ce pas ? Il lui arrivait de ne point être embarrassé, des fois. De même entrer dans un petit jeu, sourire narquois en coin. On ne sait pas comment est-ce que son cerveau fait exactement, pour décider de cela, mais bon. Une part de mystère ne fait pas de mal . . .

Enfin ; revenons à nos histoires, si vous le voulez bien, très chers lecteurs : Agacé au possible, l'homme s’était levé en un bond, exposant ainsi sa grande taille qui lui valait mille surnoms, plaquant avec violence et indélicatesse ses paumes sur la table ; faisant quelque peu sursauter la jeune femme devant lui, pourtant restée impassible jusqu'à lors. Ne s'étant aucunement attendue à une telle réaction de l'homme, vraisemblablement. Avant de revenir s’asseoir, à sa place initiale ; il savait qu'il allait faire une connerie, alors autant minimiser les risques de dégâts en restant le plus sage possible.

Silence.

Plus aucun bruit, plus aucun son de la part des deux parties. Les chants de la mort. Quand la jeune femme brisa ce silence pesant sur leurs épaules. Pour la seconde fois.


— Bien ; alors. Passons à votre vie, racontez-là moi. Voulant vite changer de sujet, replaçant sa paire de lunettes au passage
— . . . Nan ?
— Ce n'était pas une question.


Il souffla. Non, vraiment, il n'avait pas envie de raconter sa vie – privée – à cette dame en costume beaucoup trop serré pour elle et avec sa coiffure en chignon qui donnait un air d’enseignante des vieilles années. Mais bon, il n'avait pas envie de passer deux heures de plus dans ce trou à rat à cause de ça, ou de faire un acte regrettable, alors, le brun s'obligea à quelque peu se dénouer la langue. Une énième fois de la journée. Bien que la première chose qu'Andrew dit, ce ne fut pas ce à quoi le femme s'attendait exactement. Ou du moins, si ; si elle avait bien cerné le caractère teigneux du personnage – et non, nous nous passerons bien des blagues sur la chevelure imposante du garçon avec ça . . . –. Enfin, ses paroles, c'était plus comme un dernier essai pour s'évader. Échapper à ses questions connes. Se faire la malle. L'espoir fait vivre, n'est-ce pas ?


— Mais qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? Il lâcha, totalement paumé dans cet interrogatoire qu'il ne voulait aucunement passer. Que j'suis né dans un coin paumé de Londres et que j'ai été doté d'un jumeau con comme un balai ?
— On progresse, on progresse. Dites-moi, pourquoi dites-vous que votre frère est un idiot ?
— Parce qu'il l'est ! En plus d'être chiant. Très chiant. Un sale petit con, j'vous jure ! Si j'avais un peu moins d'cœur, j'aurais bien aimé qu'il meurt dans le ventre de notre mère, en plus cela aurait fait plus de place pour moi. Mais il parait que j'suis trop gentil pour réellement vouloir la mort de quelqu'un, donc . . . Douce ironie.
— Vous ne vous entendez donc pas avec votre frère.
— En gros, ouais. Andrew murmura pour lui-même, croisant les bras. Sale gosse.


La jeune femme gribouilla un peu plus sur ses papiers à l'aide de son stylo bleu à ses dires, et le brun n'aimait pas ça. Du tout ; au bout de quelques instants, elle releva la tête dans sa direction, ramenant une mèche rebelle derrière son oreille. Rester irréprochable en toute circonstance.


— Quand est-il de vos parents.
— . . . Ah. Mes parents.


Parler de Walter et Rachel Lovecraft, c'était compliqué. Pour leur fils aîné, tout du moins. Oh, Dieu qu'il n'avait pas envie de les évoquer, mais il n'en avait pas le choix. Du moins, il pensait, qu'il n'avait pas le choix. Une illusion. Bien qu'il ne parla pas sérieusement, pas tant que ça, d'eux. Cela lui aurait fait plus du mal qu'autre chose.


— J'ai pas envie d'en parler. C'vraiment trop . . . Le bordel à expliquer. On va dire que je comprend d'où est-ce que Marvin tient son caractère de gros con. Et un peu l'mien, d'ailleurs. Mais en temps normal, je suis doux comme un agneau ; si si, j'vous jure ! Même si j'ai jamais touché d’agneau de ma vie ; j'suis Anglais, pas Gallois. Donc je sais pas si c'est si doux que ça. Enfin, vous m’avez capté.


Un peu de déconnade pour décoincer cette atmosphère qui respirait l’entretien d’embauche, ou le rendez-vous chez le gynécologue. Comme vous le sentez. Bien qu'Andrew n'avait jamais eu à faire à la seconde option, et ce pour des raisons évidentes. La jeune femme sembla perdue, sur le coup, avant de bien vite regagner son air presque austère. Cette dame, ce stéréotype sur pattes. Notant quelque chose – encore –, elle retourna à l'assaut. Inlassablement


— Vous avez déjà eu une petite-amie ?
— Euh . . . Comment tourner sa phrase ? Je les aime avec un peu plus d'équipement sous la ceinture, on va dire.


Un Andrew subtil. L'Apocalypse de Saint-Jean était-il en marche ? Et nouvelle erreur Windows du côté féminin. Ah, elle devait sûrement s'imaginer que le brun était un pur homme hétérosexuel de par sa carrure qui n'avait rien du cliché universel. La blague. Il était tout ce qu'il y avait de plus gay. Mais sans le pack rose bonbon et supplément androgynie poussée à l’extrême, hein. On s'en passerait tous bien.


— . . . Que faisiez-vous, dans la vie.


Enfin une question avec un minimum d’intérêt ! Merci madame ! C'était pas trop tôt ! Il se frotta mentalement les mains, prêt.


— De la musique ! Le criminel – quoi, vous croyez que les menottes aux mains, c'était de la déco ? – rugit, sortant enfin de son air lassé, la dame touchant un sujet qui l’intéressait au plus haut point. Ça a commencé au lycée, quand avec des potes, on commençait à réquisitionner les vieux instruments de nos familles pour faire des petits concerts, un peu nuls on va pas s'le cacher, dans le garage de chez l'un ou d'chez l'autre. Ça occupait nos après-midis, au moins, étant donné qu'on avait rien d'autre à faire. À part discuter sur MSN en s'envoyer des wizz. Mais on m'répondait qu'une semaine après, donc . . . Il se gratta les cheveux d'une main. Avec mes amis, on a donc formé un groupe. C'était pour déconner, à la base. Mais c'était devenu plus sérieux, d'un coup. Et moi, bah . . . J'ai vraiment pris goût. La musique, la guitare que j'avais dans les mains. Un peu comme Harry avec sa baguette, si vous voyez ce que je veux dire . . . Enfin, baguette magique, qu'on s'entende bien. Les autres avaient sérieusement bossé leur instrument. On était le p'tit groupe de la ville ! Notre leader désigné avait décidé de nous appeler les Kerberos. Parce que Cerbère, c'est stylé.


Un peu de nostalgie, cela ne faisait pas de mal ; cela touchait en plein cœur. Puis un souvenir lui revint en mémoire. Songe du passé inévitable au vu de l'épisode de sa vie qu'il était en train de raconter. Ce fut d'une mine presque triste, qu'il enchaîna.


— Mais un jour, notre . . . Leader est décédé. Il avait choppé un cancer. On lui souhaitait tous de guérir bientôt, mais la maladie avait eu raison de lui . . . Il serra le poing, grognant légèrement à cette pensée. Du coup, bah . . . Le groupe s'est séparé. Après trois belles années, hein ! Les autres avaient abandonné le domaine de la musique pour passer à autre chose. Et y'avait moi, au milieu, qui m'étais vraiment attaché à ça. Alors, malgré cet événement, j'ai continué ; en solo. Prenant comme nom de scène Golem. On m'a tellement charrié sur ma taille plus qu'évidente, alors ouais, j'ai opté pour un truc en rapport.


Andrew rit nerveusement, ne sachant quoi faire pour combler le petit vide, avant de vite reprendre. Il était sur sa lancée, maintenant que la jeune femme avait évoqué sa passion, sa raison de vivre. Un peu extrême, nan ? Au moins avait-il envie de parler, à présent.


— Voilà, concrètement, ma vie se résumait à la musique. Je faisais autant des reprises que des morceaux que j'avais moi-même composé dans mon coin. La belle vie, quoi ! Jusqu'à . . .


Il se tut. Tous les deux savaient de quoi est-ce que l'Anglais allait parler, maintenant. C'état la fin logique de toute cette discussion. Une once d'amertume lui envahit la bouche ; déviant le regard, sur le côté, se prenant d'une soudaine admiration pour la petite poubelle en plastique noir, contre le mur et près de la porte d’entrée. Ses dires furent venimeuses.


— Bon. Il soupira froidement. J'ai fais une connerie, et j'assume. Je sais que j'aurais pas dû faire ça. Je l'ai réalisé qu'au dernier moment, que l’envoyer valdinguer sur les étalages des bouteilles était pas une super bonne idée. Mais j'étais énervé, j'avais vu rouge . . . Ce type me faisais chier au possible ; je voulais juste qu'il dégage . . . Qu'il comprenne que j'en avais marre . . .


Oui, mais voilà où est-ce que son acte irréfléchi l'avait mené : La taule. La p'tain de taule. Avec quel motif, je vous le demande ? Homicide involontaire. Le gars en question était mort sous le choc ; des bouteilles pleines et lourdes qui tombent sur le crâne, le plus souvent, on n'y survit pas ; ou alors, avec de très grosses séquelles. Mais cela n'avait pas été le cas, vous vous en doutez bien. C'était un soir, dans un bar, un chieur encore en train de jouer avec les nerfs du musicien, qui n'avait pas apprécié le jeu auquel l'autre s'adonnait. Vous connaissez la suite . . . Enfin, pas exactement : Les potes de l'harceleur étaient là, aussi, à ce moment-là ; sinon, cela aurait été moins drôle. Au début, tous pensaient qu'il était juste tombé dans les pommes sur le coup. Cependant, la ligne de sang roulant sur son crâne avait bien fait déchanter toute la salle . . . Jusqu'à ce qu'Andrew ne se mette en quête de la porte et de vite se barrer, sachant pertinemment que s'il attendait encore une seconde de plus dans ce bar, il allait finir en pâté pour chien.

La boule au ventre. Le cerveau qui ne sait plus quoi penser. Les mains moites, serrées sur le volant. Les pieds hésitants. La sueur coulant jusqu'à la tempe. Les songes qui explosent dans la tête en tentant de lui faire comprendre ce qu'il venait de commettre : Un meurtre. Aucunement voulu, aucunement désiré, mais tout de même là. Présente. C'était la réalité, alors que bon Dieu, le brun aurait tout donné pour que cela ne soit qu'un cauchemar de merde. Malgré lui, la vie était une pute.

Le lendemain, il avait été retrouvé, la police ayant été alertée. Là, vous connaissez vraiment la suite de l'histoire . . .


— Bien. La jeune femme coupa le fil de ses pensées, sans crier gare, réveillant quelque peu le criminel. Je pense avoir suffisamment complété le dossier . . . Je vous prierais de me suivre, maintenant. Andrew.


Elle se leva, faisant crisser la chaise. Andrew fit de même. Les deux sortirent de la salle, après qu'elle ait vérifié que les menottes aux poignets étaient bien fermées. On lui avait demandé d'amener avec elle monsieur Lovecraft, après leur petite séance. Irréprochable, elle exécutait chaque ordre. Le brun était à sa suite, le regard vissé dans la direction de ses pieds. Presque comme si il avait le malheur de relever les yeux, il se ferait assiéger de :

« Bienvenue dans ton Enfer. »

• Comment es-tu là ; Votre partenariat avec Reload !
• Code ; Validé par la verdure mentholée
• Pays ; France.
• Âge ; 16 ans et des brouettes.
• Sexe ; Hélicoptère de combat.
• Cookies ou brownies ; Tiramisus.
• Avatar utilisé ; Greg Universe de Steven Universe.